Notre premier sauvetage

29 MAI 2012: nos 3 premiers petits rescapés arrivent sur le sol français. A cette période, nous allions encore les chercher nous mêmes jusque de l’autre côté de la frontière. Retour sur ce tout premier sauvetage rempli d’émotion, avec l’article et les photos de l’époque.

La Jonquera : 10 minutes. A la vue de ce simple panneau autoroutier, le silence a envahi notre véhicule. Même Brigitte, qui m’a pourtant démontré qu’un autoradio était inutile, ne dit plus un mot. 10 minutes, voilà ce qui nous sépare de nos 3 premiers rescapés et, d’un seul coup, l’émotion nous saisit. Ca fait déjà plus de 2 heures que nous roulons. La nuit a été très courte, passée à recenser 10 fois tous les documents nécessaires, à faire et refaire le parcours, à calculer et recalculer l’horaire. 8h50, nous sommes devant l’agence de transport, où un camion est déjà stationné. A l’intérieur, on entend les pleurs d’un chien.

Le chauffeur Espagnol m’explique que les bureaux ouvrent à 9 heures, et qu’il ne peut pas nous montrer les loulous pour le moment. Avec une ponctualité méditerranéenne, les employés arrivent à 9 heures 00 mais n’ouvriront le bureau qu’à 9h15! Le déchargement des cages commence. Je m’approche pour apercevoir nos rescapés, mais on me fait comprendre que je ne dois pas rester là. Je parviens tout de même à faire discrètement cette photo, qui restera comme la première de Kaisser.

Une fois le camion vidé et reparti, je vais au devant des cages que je mitraille rapidement, mais on me ferme la porte au nez. Le bureau d’accueil c’est à côté, il faut attendre que ça ouvre.

 

Enfin, les rideaux se lèvent. Je demande à la jeune employée si elle parle Français. « Un poco » me répond-elle un peu sèchement. Peut-être qu’elle speak English ? « Un poco » me répond-elle sur le même ton. Je lui tends mon passeport en lui expliquant que je viens chercher 3 chiens. Non, 2 me dit-elle en levant le nez de son listing. J’insiste, et elle me montre que Canela a été mise au nom de Mireille G., son adoptante et que je ne suis donc pas autorisé à la prendre. Je sors les documents de l’association, je parlemente. La réponse est sans appel, et cette employée va me prouver qu’à défaut d’être bilingue, elle est très observatrice. Me montrant du doigt, elle me dit simplement : « Vous, pas Mireille G. » !

Ne pouvant lui donner tort, j’appelle Virginia, qui se charge de contacter la bénévole qui s’est occupée de Canela. Pendant ce temps là, nous sommes enfin autorisés à approcher des cages. Si Kaisser a une caisse à sa taille, celle de Canela est trop petite pour elle, alors qu’on pourrait habiter à 3 dans celle de Bea. Mais enfin ils sont là, devant nous, assis sur des cartons souillés de leurs excréments, l’air éberlué, mais bien vivants. C’est Kaisser qu’on fait sortir en premier, lui qui est enfermé depuis plus de 19 heures, et je suis impressionné par sa haute taille. Je le sécurise avant de sortir et de l’amener à Brigitte, qui le prend en charge dans notre véhicule, lui donne à boire, lui fait un peu de toilette et le réconforte.

 

Vient ensuite le tour de Bea, adorable petite crevette. C’est elle qui pleurait dans le camion à notre arrivée. Elle rejoint Kaisser à l’arrière de notre fourgon, que Brigitte a recouvert de couvertures moelleuses. Nos 2 loulous ont très soif, Bea mange des petites friandises dans la main de Brigitte, Kaisser n’ose pas encore, il faut les poser devant lui et se reculer.

 

Et après 30 minutes d’attente supplémentaires, Mlle Un-poco me fait comprendre qu’enfin le problème de Canela est réglé et que nous pouvons l’emmener. La pauvre a du mal à se déplier pour sortir de sa cage trop petite, Brigitte s’occupe de la mettre en sécurité dans notre fourgon.

Juste avant de partir, l’employée me fait comprendre que c’est aussi à nous de nettoyer les cages et d’emmener les cartons jusque dans une poubelle au bout de la rue! Je peux enfin rejoindre notre véhicule, où nous faisons connaissance avec nos 3 rescapés, tous différents. Bea l’espiègle, au regard coquin, qui ne supporte pas qu’on s’éloigne. Canela douce et câline, qui aime avoir toujours sa tête en contact avec nous. Et Kaisser le craintif, pas galant pour 2 sous, qui étale sa grande carcasse en travers des couvertures. Brigitte a tout prévu, même une lotion anti stress et un remède contre le mal des transports.

L’heure est venue de reprendre la route, et c’est lorsque nous remettons les roues sur le sol Français, que l’émotion me gagne à nouveau. Enfin ils sont là, enfin ils ont quitté définitivement ce pays où leur seul tort est d’être nés Lévriers. Les kilomètres s’enchainent, il fait très chaud dans l’habitacle. Nous faisons une pause toutes les heures pour aérer nos toutous, leur donner à boire, quelques croquettes et les aider à se dégourdir les jambes.

SAM_0196-300x167

 

Après 3 heures 30 de trajet, nous arrivons chez Mireille. Le temps de fermer le portail, toute la petite troupe descend et se précipite sur les seaux d’eau. Brigitte rafraichit nos 3 loustics, et nous faisons connaissance avec Rocky, le nouveau copain de jeu de Canela, un loulou de 53 kilos ! Notre petite crevette ne se laisse pas impressionner et sait parfaitement faire comprendre à ce jeune homme qu’il est un peu trop vif à son gout. Kaisser grogne un peu, sans doute jaloux de cette intrusion masculine.

 

Mireille est une personne adorable, Canela trouvera vite ses marques et sera choyée. Nous restons une heure là bas, et le moment est venu de repartir. Kaisser s’est trouvé un coin bien à l’ombre dans le jardin et ne veut pas le quitter, il faut presque le porter dans le véhicule. Canela est couchée au frais sur le carrelage de l’entrée, c’est avec un gros pincement au cœur que nous laissons cette adorable petite Podenca à sa nouvelle vie de bonheur.

 

Nous retournons sur Avignon, nous avons pris du retard parce que nous avons préféré passer un peu plus de temps pour l’intégration de Canela. Je décide de prendre le train suivant, il y a des bouchons dans la ville, nous arrivons devant la gare 10 minutes avant l’heure de départ.  A peine le temps de faire une dernière caresse à l’adorable Bea, et Kaisser qui refuse obstinément de descendre du véhicule. Je dois le porter, et nous voilà partis au pas de course. Nous arrivons sur le quai en même temps que le train, dont le bruit effraie notre petit protégé. Il consent tout de même à monter à bord. C’est un TGV à 2 niveaux, Kaisser choisit spontanément l’étage du haut.  Mais arrivé à 2 marches du but, il y a un miroir, et Kaisser s’arrête, pétrifié par sa propre image. Nous bloquons tout l’escalier, ce qui entraine un grand éclat de rire des voyageurs coincés derrière nous. Là encore, je dois le porter pour les dernières marches. Il n’y a plus de place dans les wagons jusqu’à Lyon, nous restons dans le couloir. Notre loulou reste d’abord debout, effrayé par le bruit,

puis il s’allonge,

puis commence à prendre ses aises.

Les voyageurs qui se promènent sont obligés de l’enjamber, mais il fait l’admiration de tous. On me demande son histoire, on lui caresse la tête. Personne ne connait le sort des Galgos, sauf une des contrôleurs, qui ne dit rien pour l’absence de muselière et qui nous trouve une grande place assise. Kaisser est maintenant totalement à l’aise. Il amuse le public en buvant de l’eau dans un gobelet. Brigitte a eu la gentillesse de me préparer un sandwich pour le voyage, je n’ai mangé que le pain, notre rescapé a adoré le saucisson.

A Lille, Laurent nous attend sur le quai, Patricia a préféré attendre dans la voiture. Kaisser découvre l’escalator, bien aidé par Laurent. J’attends avec impatience la rencontre entre Patricia et notre magnifique Galgo, et je ne suis pas déçu. C’est un tel coup de foudre qu’il faudra une demi heure à Patricia pour se rendre compte que je suis là et pour me dire bonjour. Après 31 heures d’un voyage éprouvant, Kaisser est enfin arrivé dans sa maison, dans sa famille. La rencontre avec Ben, son nouveau compagnon de jeu, se passe bien. Notre loulou visite le jardin, puis s’installe sur une couverture. Ben a très envie de jouer, mais Kaisser a envie de dormir, alors il lui fait comprendre, en grognant gentiment. Une méthode très efficace parce qu’à chaque fois Ben recule de 2 mètres et Patricia s’enfuit au fond de la maison.

 

Mais Patricia revient très vite, déjà conquise par ce beau séducteur.

Je suis moi aussi reçu comme un prince. La nuit et la matinée se passent bien, les 2 nouveaux copains s’entendent très bien, et les 2 chats de la maison laissent Kaisser indifférents.

Après un excellent barbecue au soleil, Kaisser reçoit la visite d’Yvette et de son mari, des personnes d’une gentillesse extraordinaire, que j’ai eu énormément de plaisir à rencontrer. Notre toutou se laisse câliner, il récupère encore de ce long voyage. Puis vient l’heure pour moi d’un dernier voyage en train, qui va mettra un point final à ce premier sauvetage.

Ce fut une expérience fatigante, mais riche en émotions que je n’oublierai jamais, tellement c’était intense. Merci à Brigitte pour son hospitalité, pour s’être si bien occupée du bien être de nos petits protégés et pour avoir accueilli Bea. Merci à Virginia d’avoir su réagir si rapidement pour Canela. Merci à Mireille d’avoir ouvert son cœur à cette adorable louloute. Merci à Gisèle d’avoir envoyé des friandises pour nos 3 rescapés. Merci à Yvette et Yvon pour leur visite et leur collecte. Merci à Patricia et Laurent pour leur formidable accueil et pour le bonheur qu’ils vont donner à Kaisser. Merci à vous tous, parrains et marraines, sans qui ces 3 loustics ne seraient jamais sortis de l’enfer. Merci aux bénévoles Espagnoles d’avoir veillé sur eux jusqu’à leur départ. Et merci à Bea et Canela pour leur tendresse.

Mes derniers mots seront pour toi, beau Kaisser. Patricia m’a appris qu’après mon départ, tu avais pleuré. Sache que tu n’étais pas le seul. Nous n’avons partagé qu’une trentaine d’heures ensemble, mais elles resteront pour toujours gravées dans mon cœur. Ton corps portera à jamais les traces des violences que tu as subies, et pourtant tu es déjà prêt à redonner ta confiance aux humains. Quelle fabuleuse leçon tu nous donnes ! Grâce à toi, nous allons être encore plus motivés, tous ensemble, pour sauver des dizaines d’autres Kaisser. Je ne connaitrai jamais ton passé, mais je me doute déjà de ton avenir. Tu as adopté Patricia et Laurent, comme tu m’as adopté, et tu sais déjà leur montrer quand tu as envie de ces caresses que tu n’as jamais connues auparavant. Alors profite, mords la vie à pleines dents et sois heureux, mon vieux copain, tu le mérites tellement !

Jean-Philippe.

Et voici la traduction de l’émouvant message reçu lundi de Maria Teresa, 2 heures après le départ de Kaisser du refuge de Baeza:

« Kaisser, un élégant Galgo arraché à la fourrière de Linares, est parti aujourd’hui sur le chemin de sa maison, de sa famille et de sa nouvelle vie, là où il sera heureux, respecté et aimé. Grâce à l’association G.A.L.G.O.S. et à ses adhérents qui lui ont cherché une famille aimante, Kaisser sera très heureux et ne sera plus jamais ni abandonné ni sur une liste de sacrifices. Je vous adresse, à vous tous, un million de remerciements. Maria Teresa ».

11 décembre 2017: 5 ans et demi plus tard, nos 3 petits rescapés se portent à merveille. Bea, devenue Gaïa, nous a permis de faire la connaissance de Roxane, son adoptante, qui fait depuis ce jour là un excellent travail de comportementaliste pour notre association. J’ai eu la chance de les revoir toutes les deux lors du ramassage des collectes pour le Convoi de l’Espoir 2017 ( et j’aime le regard dubitatif de Gaïa sur les bottes de sa maman 🙂 ).

De nombreux sauvetages se sont succédé depuis, mais celui ci gardera toujours une place à part.

You can leave a response, or trackback from your own site.

10 Responses to “Notre premier sauvetage”

  1. Ritter dit :

    OUI vous retrouverez Patricia .

  2. Patricia Galgos dit :

    j’en pleure.que d’emotions ! Kaisser restera toujours dans mon coeur. je l’ai aimé et je l’aimerais toujours. un jour on se retrouvera mon grand charmeur

Leave a Reply

Powered by WordPress | Designed by: buy backlinks | Thanks to webdesign berlin, House Plans and voucher codes